
24/01/2021
Depuis 10 mois, les médias nous bombardent d’informations autour de la covid-19 : l’évolution du nombre de cas positifs, d’hospitalisations, de décès, à présent de personnes vaccinées, l’arrivée de virus mutants…
La dérive sensationnaliste de la presse, les articles à clic… c’est grave en temps normal déjà. Mais habituellement on relativise, on passe à autre chose, on se moque, on en débat à la machine à café ou autour d’une bière dans notre bistrot préféré.
Seulement aujourd’hui, on ne passe pas à autre chose, on ne va pas au théâtre, à un concert, au cinéma ou à la salle de sport. On ne voit personne avec qui réfléchir et relativiser, encore moins rigoler. Aujourd’hui nous sommes isolés, assommés par des mesures extrêmes et prenons moins de recul par rapport aux informations.
Nous guettons toute nouvelle positive avec espoir, négative avec angoisse, et vivons des montagnes russes émotionnelles, au gré des sorties de presse.
La manière dont les médias traitent de la crise et pétrissent nos opinions est alarmante.
Car il y a tout ce qu’ils rapportent et tout ce qu’ils ne rapportent pas.
Les chiffres liés aux contaminations, communiqués sans relâche, ont un effet anxiogène sur les citoyens qui ne savent pas souvent, au fond, ce qu’ils représentent par rapport à la gravité de la situation. Cent nouveaux cas, c’est beaucoup ou pas? Combien de gens meurent en d’autres temps, chaque mois?
Les communications alarmistes, des responsables politiques et des experts qui les conseillent, nourrissent la peur et la résignation de la population. Occupant tout l’espace médiatique, elles envahissent les esprits, les discussions de famille ou entre amis.
Les faits divers liés au non-respect des mesures sanitaires sont servis matin et soir à une population fatiguée, perdue et frustrée.
Pour certains c’est la faute du gouvernement, pour d’autres des jeunes, des vieux. Des gens dans la rue Neuve. De la vacancière d’Edegem.
On se regarde en chiens de faïence, on se critique, on dénonce, on interpelle en rue, sur les réseaux sociaux.
On ne veut pas comprendre le besoin de sortir de sa solitude, de son 25m2, de devant sa télé, pour s’offrir un T-shirt à paillettes chez Primark ou admirer le sapin de Noël sur la Grand-Place de Bruxelles.
On oublie la bienveillance par rapport au contexte des gens, tandis que le sempiternel “prenez soin de vous et prenez soin des autres” retentit dans nos oreilles.
La covidmania sème la discorde. Chacun est catégorisé : anxieux-paranoïaque ou irresponsable.
On est solidaire ou on ne l’est pas. Les questions importantes par rapport aux fondements et impacts des mesures ne se posent pas.
C’est là que les médias ont un rôle important à jouer.
Ils doivent permettre aux responsables politiques de communiquer sur les mesures, leur plan d’action, d’exprimer leur opinion. Ils doivent aussi mettre leurs discours en perspective et susciter la réflexion.
Ils peuvent relayer des faits divers, toucher l’émotionnel des gens. En amenant le contexte cependant. Sans donner trop de portée aux infractions à des règles intenables qu’en fin de compte chacun accommode à ses propres besoins.
Ils doivent informer le citoyen de l’évolution de la situation sanitaire, mais aussi sur les autres aspects de la crise, les drames humains non liés à la maladie. Les réalités cachées derrières les statistiques et les méfaits.
Il est temps de donner un visage au barman qui avait toujours la pêche et qui aujourd’hui plonge dans la dépression. Aux enfants en décrochage scolaire. Aux personnes handicapées qui multiplient les tentatives de suicide dans les institutions. Aux artistes dont le travail n’est pas considéré comme essentiel. Aux jeunes qui se morfondent dans leur kot. Aux télétravailleurs qui bossent en shift la nuit pour partager leurs ordinateurs avec leurs enfants. A l’entrepreneur qui passe la soirée seul dans son commerce en se demandant si vraiment tout le monde s’en contrefout.
Il est essentiel de donner une voix à ces gens.
Il est capital pour tous de prendre du recul par rapport à la crise, d’opter pour une revue globale du fondement et des impacts des mesures sur toute la population. Pas uniquement sur les courbes de Sciensano.
C’est à ces besoins que doit répondre urgemment le quatrième pouvoir.
Caroline Henquin